Luc Chatel a un gros problème. Il est confronté aux enseignants du lycée Adolphe Chérioux qui refusent de reprendre les cours depuis l'agression d'un éléve le 2 février dernier. Luc Chatel veut bien dialoguer avec les enseignants et trouver avec eux une issue à ce conflit, mais pas de débat à la télévision dit il. Il prétexte que le dialogue ne peut pas être serein dans ces conditions !
Bizarre, bizarre ! Rappelez vous, il n'y a pas si longtemps cette descente de Luc Chatel dans un supermarché avec les caméras de la télévision; il est vrai qu'à l'époque il était ministre de l'industrie et du commerce. Le fait de devenir ministre de l'Education lui a sans doute fait perdre la mémoire ...
Ou plutôt, montrer à la télévision des images hors de la réalité avec des gens type "béni oui oui" présélectionnés pour dire que tout va bien dans ce monde, c'est d'accord ! Mais montrer sur le petit écran la réalité de la situation des professeurs de l'Education nationale, les problèmes de violence entre élèves mais aussi entre élèves et professeurs, entre parents et professeurs, vous n'y pensez pas ? Dire haut et fort que les caméras et les flics devant l'école, ça ne sert à rien, que c'est un écran de fumée ! Dire qu'il faut des surveillants, des pions plus nombreux et plus présents dans l'école durant les inter cours, ça fait pas bonne presse !
De plus, montrer cela à quelques semaines des élections régionales ?
Luc Chatel a un très gros problème. Car les enseignants en ont vraiment marre et se mobilisent de plus en plus. Ce sera bientôt toute l'académie de Créteil, l'une des plus grosses de France (850.000 élèves) qui sera en grève ! Et il n'est pas imbécile d'envisager que le mouvement s'étende à tout le pays.
Les enseignants de la sphère publique ont bien compris que les soi-disants réformes à la Nicolas Sarkozy, les suppressions de postes au prétexte de diminuer la dépense publique sont un moyen pour brader le service public au profit du service privé. Et cela est intolérable pour les enseignants mais aussi pour tous les français républicains.
J'ai déjà expliqué longuement sur mon blog les causes de la situation actuelle:
- le prolongement de la scolarité obligatoire qui a été fait pour limiter le nombre de jeunes demandeurs d'emploi amène à l'école des jeunes non motivés
- les petits emplois précaires, la nécessité pour les deux parents de travailler plus longtemps laissent ces élèves livrés à eux mêmes.
- les regroupements de classes dans de gros établissements (écoles, collèges, lycées de plus de 600 élèves) ont deux conséquences graves: les élèves se retrouvent dans les transports en commun avant et après la classe, plus longtemps, qui plus est parfois fort éloignés de chez eux; les proviseurs ne connaissent plus, n'ont plus le temps de connaître tous leurs élèves, ils ont même bien des difficultés à bien connaitre leurs enseignants !
- les médias qui s'amusent à nous montrer des réussites crapuleuses, les hommes politiques qui font preuve de bassesse entre eux, les sportifs qui ne montrent plus l'exemple de l'effort payant mais qui se font payer grassement, etc ...
Ces quatre éléments génèrent du mal être et suffisent largement pour que l'on assiste chez les jeunes à des dérives (suicides, violence).
J'ai déjà proposé ici quelques solutions simples, que je crois efficaces mais certainement pas spectaculaires ou miraculeuses. Il faudrait:
- diminuer l'âge de scolarité obligatoire, remettre à l'ordre du jour des sorties du tronc commun à 14 ans, à 16 ans ou à 18 ans selon les aptitudes et la volonté des élèves.
- permettre aux (et peut être inciter les) parents de s'occuper beaucoup plus de leurs enfants; l'école n'est pas une garderie, l'école ne peut se substituer aux parents dans les domaines de la religion, de la sexualité, des droits et devoirs de tout citoyen responsable.
- casser la politique du regroupement en gros établissements jugés par quelques technocrates comme plus rentables. C'est faux. Les petites unités sont plus conviviales, plus humaines et même plus rentables. Par exemple une petite école de village implique moins de transport soit personnel par les parents, soit en commun. Elle signifie également quelques 'têtes' intéressantes apportant de la vie au village. Chacune de ces petites unités a forcément une spécificité; donc plus de variété, plus d'adaptation à un contexte local. Et en attendant de revenir aux petites unités, se donner les moyens nécessaires de piloter humainement les gros établissements, en embauchant des pions certes mais aussi en doublant ou triplant les proviseurs de gros établissements, soit une façon de commencer à les segmenter en plus petites unités.
- que nos dirigeants politiques et tout particulièrement le chef de l'état montre enfin le bon exemple; les "Casse toi pauvre con !", les "Nettoyage au Karcher" sont des expressions ordurières que l'on n'aurait jamais du entendre dans la bouche d'un NS. Quand les propos de nos dirigeants, quand les débats d'idées ou d'opinion se feront dans le respect des uns et des autres, avec une bonne préparation préalable, avec une réflexion profonde, avec une parfaite maîtrise de ses sentiments, le bon exemple sera enfin donné.
Comme vous voyez, les quelques solutions (presque simplistes) que je propose pourraient faire l'objet d'une vraie réforme profonde du système éducatif français ... et cela sans même toucher aux programmes (que l'on a trop souvent remaniés plus pour vendre de nouveaux livres que pour améliorer le contenu éducatif).
J'ai encore bien d'autres idées pour améliorer le mammouth national:
- impliquer les élèves dans l'acte d'enseignement (pour les responsabiliser, mieux les amener à la vie adulte, pour faire des économies de personnel enseignant sans perte de qualité de l'enseignement)
- harmoniser l'enseignement scolaire de base avec la formation continue (pour rendre progressif et naturel le passage entre les deux types d'enseignement, pour supprimer la complexité inutile des diverses formations professionnelles et les réintégrer au moins par des programmes définis dans le cadre public)
- revoir la distribution dans le temps de l'enseignement (pour permettre un suivi plus facile des élèves par leurs parents, pour régler les remises à niveau autrement que par le redoublement, pour coller aux contraintes de la formation continue et de l'emploi en général, pour intégrer l'enseignement à distance)
Et le dernier Luc sur la sellette, il en pense quoi de ces solutions proposées ?
Et l'ancien Luc Ferry (fermé), qui avait accouché en son temps d'une réforme dont peu se souviennent, va t il soutenir son collègue Chatel ou l'enfoncer un peu plus ?
Qui vivra verra ! Et à demain, si vous le voulez bien ?