Le projet de loi sur la retraite est inacceptable pour deux raisons :
1. Il a été imposé aux gens sans réel débat démocratique,
2. Il ignore la réalité du travail contemporain et à venir.
En effet avant de légiférer sur les conditions de départ à la retraite, il faudrait en priorité débattre des conditions de travail actuelles et plus largement encore sur l’apprentissage de la vie en société qui passe par l’école ainsi que sur les modes de loisirs qu’on nous propose aujourd’hui.
L’apprentissage de la vie en société
Dès leur plus jeune âge, nos enfants sont conditionnés par leurs parents et proches pour vivre en société selon des conventions ayant pour objet à la fois l’épanouissement personnel de l’enfant et le respect des autres enfants et adultes.
L’école maternelle, puis primaire et secondaire participe grandement à cette intégration des jeunes hommes dans la société. Cette intégration a été plutôt bonne lorsque l’école existait encore dans le moindre village et que l’instituteur, le maître était respecté. Tous les habitants du village ou du quartier, dont les parents, connaissaient le maître mais aussi les élèves. Les gosses et le maître se rendaient à l’école à pied ou à vélo.
Depuis, pour des raisons économiques, l’État a fermé de petites écoles et regroupé les élèves dans des écoles plus grandes mais en moindre nombre. L’instituteur a été renommé professeur des écoles, ce qui a affaibli son aura. Les habitants du regroupement, plus éloignés de l’école ne connaissaient plus tous les professeurs, ni tous les élèves. Une forme d’anonymat s’était créée opposée au bien vivre ensemble. C’est l’automobile et le bus qui ont permis ce regroupement des écoles. Les élèves et les professeurs ont alors perdu du temps et de l’argent en transports scolaires. Compte tenu du dérèglement climatique, cette évolution est néfaste.
Parallèlement, l’école publique a été affaiblie par la montée des écoles privées, souvent religieuses. L’État a laissé faire, voire encouragé toujours pour des raisons économiques. Cette évolution concurrentielle a facilité la séparation des enfants en classes sociales et en groupes religieux; les plus pauvres iront dans les écoles publiques, les plus riches dans les écoles privées, les plus intégristes dans les écoles religieuses.
Globalement, on peut en déduire, que l’apprentissage de la vie en société donné par l’école est devenu mauvais.
De plus, l’habitat en villages et bourgs d’hier, qui unissait davantage des classes sociales différentes a été remplacé par des zones d’habitations, immeubles voire barres d’immeubles pour les plus pauvres, pavillons avec jardins pour les plus aisés. L’urbanisme moderne ne facilite pas la vie en société.
Ce constat négatif ne peut être ignoré des parlementaires et de l’exécutif; laisser faire est quasi criminel puisque ça signifie la destruction du ciment de notre société. Les dernières révoltes et saccages des jeunes en sont la déplorable illustration. Notons que la répression sévère effectuée par l’exécutif ne change rien dans ce constat. Elle confirme simplement l’adage selon lequel la classe dominante réprime durement tous ceux qui s’opposent à ses projets mercantiles.
Le travail
L’histoire nous apprend que la classe dominante a largement exploité le monde des travailleurs des champs, de l’usine ou de la mine. Les débuts de l’industrialisation ont été sanglants. Néanmoins cette industrialisation a permis de créer des outils et des machines qui nous facilitent les tâches. Citons la machine à laver le linge que tout ménage apprécie.
Hier, certaines tâches étaient difficiles, usantes parfois mais l’individu avait envie de faire cet effort car il se sentait utile à la société ; il avait une vue ouverte de son travail ; ce travail était assez varié pour qu’il puisse y développer son intelligence.
C’est rarement le cas aujourd’hui.
En effet d’une part l’automatisation et la numérisation ont tendance à rendre nos tâches très parcellaires : d’autre part la mercantilisation de la société détruit l’essence de nos tâches.
Le cultivateur d’aujourd’hui pense d’abord à la rentabilité financière de son exploitation ; il est tellement tributaire de l’aspect financier qu’il accepte de traiter ses sols les plantes et les bêtes de façon inepte ; les sols deviennent pauvres en humus et incultivables sans apports chimiques ; les plantes sélectionnées sont stériles et dépendantes des apports chimiques ; les bêtes sont élevées dans de véritables prisons ; elles ne sont plus alimentées naturellement et reçoivent des médicaments pour éviter l’épidémie. L’alimentation ainsi proposée à tous a belle apparence mais sa teneur en bons éléments pour notre santé diminue sans cesse.
L’ingénieur subit la pression du marché ; on lui demande de fabriquer le moins cher possible des objets dont l’utilité et la pérennité sont plus que discutables.
Le créateur de publicité a parfois honte se son job qui consiste au final à inciter le chaland à acheter encore un produit qui sera rapidement jeté !
Nous ne voyons plus l’intérêt social de notre travail d’aujourd’hui ; soit la parcellisation des tâches nous cache cet intérêt, soit la mercantilisation de l’économie nous démontre ce désintérêt.
Comment les parlementaires et l’exécutif peuvent-ils ignorer ce constat ? Ici, encore faire semblant de ne pas voir est criminel car le ciment social est détruit ; qui plus est, cette mercantilisation et le productivisme qui en découle détruit la biodiversité et met en péril l’humanité.
Les loisirs
Même si la classe dominante voudrait nous faire travailler davantage dans son intérêt, il nous reste du temps que nous pouvons consacrer librement à nos loisirs.
Librement ? Pas sûr ! Puisque la classe dominante nous propose de plus en plus de loisirs débiles mais payants.
Une grande partie de la publicité met en avant des jeux d’argent, des jeux sur console spécialisée, des jeux sur smartphones, sur tablettes, sur ordinateurs … Il suffit de prendre le métro ou le train pour constater que nombre d’entre nous succombons à la tentation de ces jeux qui nous abêtissent.
Dans l’antiquité, les romains organisaient des jeux cruels dans l’arène. Aujourd’hui nous avons encore les matchs de football, de tennis, le tour de France, le JO …
Bien sûr subsistent des loisirs, disons, plus constructifs en mesure de développer notre intelligence, notre mémoire et surtout le vivre ensemble.
Parmi ces loisirs citons l’engagement dans diverses associations civiles ou privées, la création artistique dans tous domaines, la mobilisation sur de grandes causes sociales, l’entretien de son jardin, l’assistance aux personnes qui en ont besoin, …
Les parlementaires et l’exécutif connaissent bien le domaine des loisirs. Ils savent ceux qui sont intéressants pour les gens ou pas ; ils savent ceux qui coûtent un bras et ceux qui sont quasi gratuits.
Alors pourquoi ne condamnent-ils pas les JO 2024 à Paris par exemple, un gâchis monstre tant financier qu’écologique ?
La retraite
La retraite c’est le repos mérité, dans l’attente de notre mort, après de longues années de travail. Ce fut une avancée sociale certaine, vu le travail dur en début d’industrialisation. Est-ce encore valable aujourd’hui ? C’est moins vrai pour ceux qui ont un travail de bureau, nettement moins dur physiquement quoique parfois difficile sur le plan intellectuel et moral. C’est toujours vrai pour les agriculteurs ou éleveurs qui ont des journées très longues même si certains restent assis sur des tracteurs modernes.
Pour que chaque retraité bénéficie de ce temps de repos, il faut par conséquent lui allouer une pension jusqu’à la fin de sa vie. Ce coût pour l’État est lourd même si ce dernier s’est défaussé de sa tâche via les caisses de retraites Arrco et Agirc.
Il est donc tentant pour l’État de mettre en œuvre tous les moyens de diminuer cette charge selon diverses modalités :
1) par l’augmentation des cotisations,
2) par la durée de ces cotisations,
3) par l’âge de départ en retraite,
autre …
L’augmentation des cotisations et leur durée ont une incidence sur les entreprises ; elles ont tendance à les rendre moins concurrentes ! Toujours ce diktat économique qui torpillent les meilleures intentions. Par ailleurs, le vieillissement et l’allongement de la durée de vie d’une part et la diminution du nombre de travailleurs cotisants d’autre part a tendance à accroître de plus en plus les cotisations.
Mais reculer l’âge de départ en retraite a deux inconvénients :
1) ce n’est pas juste car nous n’avons pas tous la même espérance de vie,
2) Les entreprises ont tendance à virer les anciens trop chers, moins souples et réactifs que les jeunes ; du coup le recul de l’âge de départ en retraite crée des chômeurs à long terme et une diminution de la pension du fait de cotisations non versées ou baissées durant la période de chômage.
On voit ici nettement que la gestion du système de retraites est indissociable de la gestion du travail et plus généralement encore de l’apprentissage de la vie en société et des loisirs.
On voit aussi qu’on ne peut laisser les classes dominantes essentiellement mercantiles dicter leurs propositions.
La réforme
La réforme de cet ensemble est nécessaire, c’est une évidence comme nous l’avons montré. Cette réforme est un travail important et long qui doit être entrepris tout de suite en ayant en tête que ce travail durera au moins quelques années.
En effet, il faut veiller à l’instauration d’un véritable débat démocratique avec tous les gens et non seulement avec quelques penseurs sachants souvent manipulés par les classes dominantes.
Or faire participer toute la population à ce débat implique une information et une sensibilisation de qualité ce qui demande du temps et quelques moyens.
Ensuite il faut savoir faire remonter tous les avis émis lors de ces débats populaires. Il faut encore exploiter cette masse d’avis, trier, classer en toute équité et transparence. Ce classement lui même doit faire l’objet de débats, il ne peut être réalisé par une élite de sachants.
Enfin de cette vaste réflexion populaire, on pourra élaborer un grand projet de loi d’organisation de notre façon de vivre ensemble.
Notons que les conséquences du dérèglement climatique et de la perte de biodiversité auront une influence importante sur ce grand projet.
Espérons d’ailleurs que cela remettra en cause l’organisation du travail et fournira quelques opportunités intéressantes.