Ce midi, nous sommes allé déjeuner à la Courtepaille. Nous y avons bien mangé. La gérante nous a invité à flasher un QR code pour donner notre avis. Nous avons refusé d’utiliser ce moyen électronique pour trois raisons.
- La première parce que nous ne voulions pas connecter nos smartphones à un serveur et ainsi augmenter notre empreinte numérique sur l’environnement.
- La seconde parce que nous ne voulions pas être tracés.
- Et la troisième parce que le questionnaire auquel nous aurions pu répondre nous contraindrait à cocher des choix tous préparés. Et même si une zone de libre réponse existait, il est fort probable qu’elle ne soit pas exploitée suffisamment par le programme chargé d’analyser toutes les réponses des clients.
On voit déjà sur ce petit exemple, que la communication entre Courtepaille et ses clients est biaisée parce que trop centralisée et trop formatée. Ce n’est pas un véritable échange entre les deux parties.
Ma femme a récemment répondu à un questionnaire IFOP. Ici encore, le questionnaire oriente forcément et les réponses possibles proposées restreignent encore les possibilités de s’exprimer personnellement.
Manifestement, les sondages ne sont pas un bon moyen d’échange vrai entre deux parties.
Les journaux et les médias numériques proposent assez souvent un courrier des lecteurs et une adresse email qui semblent permettre aux lecteurs d’émettre leur opinion sur tout article diffusé.
Néanmoins comme ces journaux et médias sont de plus en plus concentrés dans quelques mains et numérisés, les réponses des lecteurs sont triées, filtrées selon les algorithmes ou règles prédéfinies et seuls les réponses pas trop déplaisantes sont retenues ; parmi celles-ci, un nouveau filtrage est encore effectué pour retenir le seul qui sera imprimé ou émis.
Ici encore, la communication entre les deux parties est réduite à la peau de chagrin.
Lorsque nous commandons des produits auprès d’un fournisseur internet, il est fréquent que celui-ci vous invite à exprimer notre avis sur la qualité du service et/ou du produit commandé.
Inutile de faire un dessin ; vous comprenez bien que dans la flopée des réponses reçues, seules celles qui ne font pas trop de vagues sont retenues et mises en avant.
Notre société forme de nombreux communicants. Les publicistes sont des communicants. Le personnel des services marketing sont des communicants. Le gouvernement et les hommes politiques sont des communicants. Les journalistes sont des communicants.
Nous pourrions en déduire que nous vivons dans le meilleur des mondes communicants.
Dans un groupe, la communication est un véritable échange entre les hommes. Chacun peut dire ce qu’il pense et écouter les pensées et réactions des autres participants.
Rien à voir avec les exemples de communication à sens unique vus plus haut.
Mais quels sont les raisons qui ont permis la communication à sens unique, véritable étouffoir de tout échange humain ?
- D’abord, il y a le besoin organisationnel. Il semble judicieux que le professeur des écoles diffuse le savoir à un groupe d’élèves qui écoute plus qu’il ne répond. Idem pour le meeting politique. Cela dit, des formes d’enseignement et des formes de réunions avec davantage d’échange humain sont possibles.
- Ensuite il y a la concentration des entreprises en grands trusts. Le trust ne peut fonctionner que parce qu’il standardise et diffuse son information en prenant soin de rejeter tout ce qui est contradictoire à sa ligne directrice, à son projet.
- Enfin, il y a internet et la numérisation à outrance de la société qui fournit à ces trusts les moyens de diffuser largement et à moindre coût. Il faut être conscient que lorsque nous commandons un article sur le site du fournisseur, ce n’est pas nous qui prenons véritablement l’initiative puisque nous nous plions au formalisme du serveur de prise de commande.
Comment pouvons nous lutter contre cette communication à sens unique et la perte des échanges vrais ?
- Nous pouvons refuser l’utilisation d’internet et du numérique puisque ces vecteurs de transport de l’information sont à sens unique et de plus particulièrement énergivores. Ce n’est pas facile puisque nous sommes accros à la facilité de la commande numérique. Pourtant nous avons encore les moyens de nous rendre sur place dans le magasin local s’il existe. Nous pouvons toujours commander par courrier.
- Nous devons lutter contre les trusts. Une multitude de petites entreprises est préférable à la très grosse entreprise quasi unique qui nous impose ses standards et ses prix. La multitude signifie plus de variété des produits proposés même si moins d’articles au catalogue, moins de distance à parcourir pour aller au magasin local, et surtout plus d’emprise des clients sur leur magasin ou entreprise locale et donc un échange humain de meilleure qualité.
Si un journal ou un média local diffuse une information erronée ou partisane, il sera plus aisé pour les lecteurs de réagir. De plus les informations localisées, celles qui nous concernent au premier chef y apparaîtrons en primeur avant des informations plus générales. Est-il bien utile de savoir qu’il y a eu probablement un crime de commis dans le Tarn pour des lillois ?
- Nous devons revoir toute l’organisation des services dans notre société.
L’enseignement ex cathedra n’est sans doute pas le seul possible. Des formes davantage basées sur les échanges sont à développer comme on le voit dans les classes multi-niveaux de petites communes.
L’organisation politique est à revoir de fond en comble afin d’obtenir une représentation paritaire dans tous les conseils de gouvernance. Toutes les classes sociales doivent y être représentées à parité. Pour ce faire un véritable échange humain doit être instauré à tous les niveaux.
L’organisation hiérarchique des entreprises doit être bousculée. Avons nous encore besoin de chefaillons de différents niveaux si la communication devient véritable entre tous les acteurs d’une entreprise ?
Certes, cette lutte sera difficile tant à cause de la difficulté à revoir nos comportements que de la réactions de ceux qui profitent du système en place. Les catastrophes climatiques et sanitaires qui s’annoncent et sont de plus en plus importantes devraient bousculer les organisations en place. Une occasion à ne pas rater pour faire évoluer, progresser notre société dans le sens humain, c’est à dire la généralisation d’échanges vrais entre nous tous.
Edité le:18/07/2021