Madame, Monsieur,
C’est à titre personnel de citoyen français que je vous écris cette lettre.
Le président de la république de mon pays a décidé tout seul qu’il fallait lancer la construction d’au moins six EPR. Il ignore ainsi superbement les instances démocratiques du pays à savoir :
- La CNDP
- Le Conseil National de la Refondation qu’il a fondé et vient d'inaugurer
- Le Parlement.
Non seulement ce projet de relance en grand du nucléaire est antidémocratique mais il est de plus insensé.
En effet la relance des réacteurs de type EPR pose de nombreux problèmes quasiment insolubles :
1) La construction
La construction de ces nouveaux réacteurs est particulièrement émettrice de gaz à effet de serre (GES). Cette construction commence donc par accroître le réchauffement climatique. Par ailleurs , cette construction s’échelonne sur environ dix années. A l’issue de ce délai, on peut espérer produire de la chaleur et de l’électricité quasiment sans émission de GES. Néanmoins il faudra encore ajouter quelques années pour que le bilan GES devienne réellement nul.
Ne faut-il pas craindre que l’investissement visant la réduction des GES n’arrive pas trop tard vu les délais vus ci-dessus et l’accélération du réchauffement climatique ?
2) Les aléas climatiques
Les réacteurs nucléaires sont très sensibles aux aléas climatiques ;
- les inondations menacent d’endommager le système de refoidissement comme on a pu le constater à la centrale de Blayes en fin d’année 1999. Les gens les plus avertis et les plus responsables savent que l’incident ou plutôt les incidents survenus ont frisé la catastrophe.
- la sécheresse et le manque d’eau limitent fortement les capacités du système de refroidissement et obligent même à diminuer la puissance puis à arrêter les réacteurs par précaution. Déjà cette année, la sécheresse a eu pour conséquence, le rejet d’eau plus chaude que prévu avec des dégats sur les espèces vivantes dans l’eau des rivières concernées.
- les vents violents font tomber les lignes à très haute tension interrompant la fourniture d’électricité mais aussi isolant les réacteurs avec le risque de perte d’alimentation des pompes de refroidissement.
Est-il bien raisonnable de miser sur une technologie vraiment sensible aux aléas climatiques ?
3) La ressource en uranium
Les réacteurs à eau pressurisée du type EPR ou autres doivent être alimentés en uranium enrichi. Avant d’être enrichi sur place et en France, l’uranium est extrait de mines toutes situées à l’étranger et qui plus est dans des pays peu sûrs sur les plans économiques et démocratiques.
Dire que notre pays peut devenir énergétiquement indépendant dans ces conditions est mensonger.
Par ailleurs, les ressources mondiales de ce minerai sont assez limitées ; dans l’hypothèse de la consommation mondiale actuelle qui est relativement basse, les ressources sont estimées disponibles durant cinquante ans environ. Si d’autres pays se lancent également comme la France dans l’électro-nucléaire, cette disponibilité sera sans doute réduite à vingt cinq ans. Ce qui signifie donc que les réacteurs nucléaires cesseront alors de fonctionner.
Cette durée de vie réaliste des réacteurs (anciens ou nouveaux) n’est-elle pas trop courte sur le plan financier mais surtout sur le plan écologique !
4) La sécurisation des installations
Ce qui se passe en Ukraine actuellement montre à l’évidence que les réacteurs nucléaires sont un danger considérable en cas de guerre ! Les protéger de tout bombardement ou missile est impossible. De même la protection contre le terrorisme est délicate. Enfin, leur sécurisation exige beaucoup de personnel et des forces de police importantes et toujours disponibles.
Manifestement, la mise en grande sécurité des installations nucléaires est un problème insoluble.
5) Les déchets
Bien que les pro-nucléaires considèrent que les déchets de l’industrie électro-nucléaire sont recyclables dans des réacteurs à neutrons rapides qui ont tous été abandonnés pour des raisons de sécurité, force est de constater que les déchets de la réaction nucléaire s’entassent et sont un grand fardeau pour les générations futures.
Le projet de leur enfouissement (cachez ce que je ne saurais voir!) ne règle en rien la sécurisation de déchets radioactifs pour des centaines d’années.
6) Le tout électrique
Les moteurs thermiques, le chauffage par combustion émettent beaucoup de GES que ce soit dans le domaine des transports, de l’agriculture et de l’élevage, de l’industrie ou encore du résidentiel.
Ne voulant pas faire baisser les activités, les défenseurs de l’essor économique ont pensé avoir trouvé la solution par la promotion du tout électrique.
Malheureusement, cet engouement pour le tout électrique a peu de chances d’être LA solution !
Par exemple, dans le domaine de transports, il faut construire les nouveaux véhicules électriques et leurs batteries.
Cette construction est fortement émettrice de GES et les ressources nécessaires en métaux et terres rares utilisées pour cette construction sont limitées. Certes on peut espérer de nouvelles découvertes évitant ces contraintes fortes, mais c’est de la fuite en avant sans garantie de réussite.
Dans les autres domaines les problèmes sont du même ordre : la nouveauté coûte cher en deniers et en GES !
Enfin, le tout électrique signifie un accroissement considérable du besoin en énergie électrique et donc un accroissement énorme du parc électro-nucléaire. Les remarques précédentes montrent que miser essentiellement sur les réacteurs nucléaires est insensé. Par conséquent, le tout électrique est compromis.
Madame, Monsieur, j’espère que les éléments développés dans ce courrier vous convainquent que le projet du président de la république est inacceptable et doit être combattu de toutes nos forces.
En particulier, je compte sur votre compétence, votre pouvoir, votre aura pour déclencher toutes actions démocratiques, juridiques, médiatiques afin d’arrêter net ce projet insensé.
Quelques sages: Chantal Jouanno, Corinne Lepage, France Nature Environnement
Edité le:30/09/2022