Mouchin (59310), hier et aujourd'hui, boycott Lactalis, oui aux Amap

Quand j’étais gamin, vers 1955 je passais les grandes vacances chez ma grand-mère couturière à Mouchin. J’y voyais les femmes des fermiers, coquettes, venir essayer des robes réalisées sur mesure. Et je me souviens de quelques noms de fermiers et fermières du coin.
Les fermes étaient petites et nombreuses.
Ces petites fermes disposaient au plus de 10 hectares de terrain. Elles élevaient quelques vaches dont le lait était :
- soit revendu aux villageois, voire à quelques citadins passant par là, déjà,
- soit transformé en beurre et en petit lait,
- soit transformé en yaourt voire en fromage.
Elles élevaient aussi des poules et revendaient les œufs et les volailles.
Elles élevaient encore quelques porcs, quelques moutons et biquettes …
Enfin elles cultivaient des céréales, des betteraves, des pommes de terre, de la luzerne, … La paille des céréales était utilisée pour les litières des animaux de la ferme ; les bêtes paissaient dans de vastes pâtures le plus souvent ; les vaches étaient parfois traites sur place mais déjà plus souvent à la ferme. La luzerne et le foin servaient en partie à nourrir les bêtes l’hiver.
Au hameau de Bercu, il y avait au moins dix fermes dont la ferme Aubin ou j’allais jouer avec Michel, un gamin de mon âge. Au hameau de Lannay plus vaste, on comptait environ vingt cinq fermes. Au hameau de Planard, encore dix à qinze fermes (Dumazy, Darras, Debienne, Colin, Meerchman, …) et au village plus de dix fermes encore (Rabot Dutilleul, Devaux, Deroubaix, Dassonville, Fichel, …).
J’ai oublié de nombreux noms, c’est bien dommage.
Pour se nourrir, se vêtir, s’instruire, construire ou restaurer les constructions, on trouvait presque tout sur place. Il y avait deux bouchers charcutiers, deux boulangers, deux épiceries, un négociant en vins, au moins quatre bistrots, une couturière, un tailleur, un atelier de confection, une coiffeuse, deux écoles, l’une publique et l’autre catholique, trois ou quatre maçons et plâtriers, un couvreur, la mairie et même un bureau de poste …
Gamin, je circulais à pied ou en vélo sans que ma grand-mère soit inquiète vu que la circulation automobile était modeste.
Bref, le village était largement autosuffisant et si j’en crois ma grand-mère et mes tantes qui vivaient là, la vie y était plutôt agréable.

Mais cet équilibre a été rompu par l’agriculture et l’élevage intensif, l’arrivée des premiers supermarchés, l’attrait des jobs de bureau proposés par la métropole de Lille.

Je prendrais pour exemple la ferme Deroubaix dont j’ai connu trois générations ; les grands parents avaient bien développé leur ferme, une des plus grosses du village avec quarante hectares. Ils avaient envoyé leur fils Henri faire des études à l’école d’agriculture de Genech, le gros village voisin. Là on lui a enseigné les bonnes pratiques de l’agriculture intensive. Henri a donc cultivé plus de céréales, du maïs et du colza ; il a fait construire un entrepôt capable d’accueillir au moins deux cents vaches et il a revendu son lait à la coopérative laitière du coin ; il a élevé des porcs entassés dans la porcherie et ne voyant presque plus jamais le jour, nourris artificiellement ; il a acheté des tracteurs de plus en plus puissants pour labourer rapidement ses terres …
Il avait beaucoup moins d’ouvriers que son père, un seul au final. Il travaillait beaucoup, fort longtemps et négligeait sa vie de famille. Il a quand même réussi à avoir un fils Arnaud qui l’a aidé à exploiter la ferme jusqu’à sa mort.
Mais la ferme n’était plus rentable depuis longtemps et au décès de son père, Arnaud a été obligé de vendre celle-ci.
Elle a été vendue à un promoteur qui a rasé la ferme et construit dessus plusieurs pavillons.
En effet, au fur et à mesure que les fermages cessaient et que des terrains étaient libérés, les métropolitains lillois y faisaient bâtir des maisons sur des terrains d’environ mille mètres carrés.

Aujourd’hui, à Mouchin ne subsiste guère que six fermes tout au plus. L’une d’elles s’est spécialisée dans le maraîchage et alimente encore les habitants ; une autre, placée sur la route passante entre Orchies et la Belgique vend quelques laitages et quelques légumes aux automobilistes ; reste une seule grosse ferme à Planard tenue par la famille Colin … qui investit dans l’immobilier local !
Les boucheries, les boulangeries, l’épicerie, ont fermé ! Le négociant en vins a tenu car sa renommée lui amène des clients belges. Reste peut être un bistrot.
Les mouchinois vont s’approvisionner dans les grandes surfaces et la zone commerciale et industrielle d’Orchies. Il y a encore quelques bus pour aller chercher le train à Orchies mais devant chaque pavillon de Mouchin stationnent au moins deux voitures !

Il y a encore de vastes champs le long de la route qui va à Planard, au hameau de Lannay et le long de la route fréquentée qui mène à Orchies. Qui sont les propriétaires de ces champs ? Quelques grandes exploitations agrico-financières comme celle des Colin sans doute.

L’agriculture et l’élevage intensifs ont tué le mode de vie bon enfant que j’ai connu à Mouchin. Faire ses courses dans l’hyper situé à plus de 7 kms, c’est le progrès paraît-il; les articles proposés sont nombreux, variés; tout semble bien propre; les allées sont larges, lumineuses; il est facile de prendre les articles, les entasser dans un caddie puis les charger en voiture.

On peut également y acheter une bouteille de lait ! Ce lait d’où vient-il donc ?
Il est acheté par la centrale d’achat de l’hypermarché au prix le plus bas de préférence et ce auprès d’une coopérative laitière qui s’approvisionne elle aussi aux meilleures conditions en France, en Europe ou même plus loin. Ce lait est donc acheté à trop bas prix auprès des éleveurs et dans des conditions draconiennes. En effet, au prétexte de l’hygiène absolue, le lait est stocké dans des tankers en inox ; l’éleveur n’a pas le droit d’y puiser (risque microbien) et donc ne peut vendre un peu de lait localement. De plus le contrat signé entre l’éleveur et la coopérative stipule bien l’exclusivité de la fourniture de lait.
Qui donc peut encore dire que cette organisation monopolistique est un progrès ?

Les coopératives vendent du lait, le plus souvent pasteurisé ou UHT c’est à dire dans lequel on a tué d’éventuels germes microbiens mais aussi certains éléments nutritifs essentiels. Les coopératives revendent ce lait à des entreprises agro-alimentaires qui le transforment en yaourt, en beurre, en fromage ; ces produits transformés sont vendus bien plus cher que le lait qu’elles contiennent. Cette industrie là fait de belles marges … sur le dos de l’éleveur de vaches !
Les coopératives laitières sont devenues très grosses ; parfois ce sont des monstres tels Lactalis qui achète du lait partout dans le monde et accessoirement en France. Lactalis transforme le lait en beurres, fromages.
Lactalis a pu naître et grossir grâce aux petits éleveurs qui l’ont approvisionnés au départ. Si les dirigeants de cette entreprise avaient un minimum de reconnaissance envers ceux qui lui ont permis et permettent encore son développement, ils devraient rémunérer à un prix juste ces éleveurs.
Normalement, ce sont ces éleveurs qui travaillent le plus, qui devraient se faire la meilleure marge.
C’est loin d’être le cas, c’est même l’inverse.

Cette situation anormale et ubuesque doit nous inviter à réagir fortement dans l’intérêt des éleveurs mais aussi dans le notre, si nous voulons que nos enfants puissent encore consommer des laitages demain.
J’en appelle donc au boycott de tous les produits commercialisés par Lactalis soit les marques suivantes :
Laits: Lactel, LaitUHT brique, Pauls
Laits pour enfants: Laicran, Eveil, Picot
Boissons à base de lait: Santal
Yaourts: Lactel, Sveltesse, Yaos, La laitière, Siggi's Skyr
Beurres: QBB, Président, Tartimalin, Butter, Ker Bihan, Bocage, La laitière, Le marin, La motte
Crèmes: Ambassador, Président, Flory, Société, La laitière, Ile flottante, Flamby, Le viennois
Fromages: Aspen, B'A, Belet, Bluetta, Brie de Meaux, Bridel, Bridelight, Coulomiers ambassador, Chaussée aux moines, Chêvre de Bellay, Chevretine, Croc'lait, Corsica, Feta, Fraidou, Galbani, Istara, Lanquetot, Leerdammer, Livarot, Lou Perac, Omira, Ossau Iraty, Penguin, Péché Migin, Pont l'évêque, Président, Primevère, Pride, Roquefort Société, Reblochon Pochat, Roitelet, Rondelé, Rouy, Salakis, Saint bricet, Saint Nectaire Pont de la pierre, Seriously, Smeds, Valbreso

Mais on peut faire mieux que boycotter.
Les fermiers et les consommateurs peuvent s'allier pour développer les circuits courts, direct du producteur au consommateur sans intermédiaire. Ainsi le producteur pourra faire une marge correcte sur les produits vendus et compter sur l'achat du consommateur via des contrats de principe tels les Amap (Association pour la Maintenance d'une Agriculture Paysanne). En effet, la voiture et même le vélo permettent à tout consommateur de se rendre chez le fermier plus ou moins proche pour s'approvisionner.

Je souhaite donc aux mouchinois d'origine et aux nouveaux venus, un avenir radieux ... dans la résistance à la pression des grands groupes agro-alimentaires.

Liens d'informations complémentaires
Voir https://fr.wikipedia.org/wiki/Lactalis
Voir http://www.projet22.fr/questions-de-societe/les-multinationales-une-histoire/les-marques-du-groupe-lactalis.html
Voir https://www.lactalis-international.com/marques/
Voir http://reseau-amap.org/ reésau national des amap
Voir https://www.amap-hdf.org/ réseau des Amap des Hauts de France
Voir https://fr.wikipedia.org/wiki/Association_pour_le_maintien_d%27une_agriculture_paysanne

Vous avez compris le problème de l'agriculture ? Vous êtes d'accord avec cet avis ? Alors agissez !

Edité le:23/02/2024