Le kérosène, l’essence, le fioul, le gasoil, le gpl ont mauvaise presse car leur utilisation dans les transports produit beaucoup de CO2, ce gaz à effet de serre qui réchauffe l’atmosphère et dérègle le climat sur Terre au point de menacer l’humanité à moyen terme.
Déjà les constructeurs créent des véhicules tout électrique avec batteries. Mais celles-ci ont une durée de vie limitée et sont assez voire trop longues à recharger.
Du coup, les constructeurs pensent que l’hydrogène, dont la combustion ne produit pas de CO2, serait le combustible idéal. Est ce bien le combustible vert d’avenir ? Questions :
1) Comment produire de l’hydrogène ?
2) Comment le stocker et le distribuer ?
3) Comment l’utiliser ?
1. Comment produire de l’hydrogène
On peut le produire selon trois méthodes principales, le reformage à la vapeur, la gazéification du charbon, l’électrolyse de l’eau et autres. Production totale France : 55 M tonne/an
1.1 Le reformatage à la vapeur
Utilise le méthane (CH4). Il est basé sur les réactions chimiques suivantes :
CH4 + H2O → CO + 3 H2 et CO + H2O → CO2 + H2 soit au global : CH4 + 2 H2O → 4 H2
Le méthane est essentiellement d’origine fossile (à 95%) ; pour 1kg d’hydrogène produit on libère 10kg de CO2. Soit pour la France 3 % d’émission de CO2 dues à cette production et 26 % pour le secteur industriel (chiffres 2018) gros utilisateur d’hydrogène.
Rendement énergétique : 65 à 80 %. Représente environ 47,5 % de la production totale
1.2 La gazéification du charbon
Il est basé sur les réactions chimiques :
C + H2O → CO + H2 et CO + H2O → CO2 + H2 soit au global : C + 2 H2O → 2 H2
Le carbone est un fossile abondant ; pour 1kg d’hydrogène produit on libère 20kg de CO2.
Rendement énergétique : 50 % Environ 47,5 % de la production totale
Ces deux méthodes de production libèrent beaucoup de CO2. On dit que cet hydrogène est gris
1kg d’hydrogène coûte entre 1,5 et 2 euros
Si on capture et stocke le CO2, ce qui est loin d’être aisé, on parle d’hydrogène bleu.
Si on utilise du gaz issu des méthaniseurs ou de décharges (biomasse), on obtient un certain recyclage du CO2.
Carte des centres de production européens
1.3 L’électrolyse de l’eau
Réaction électro chimique: 2 H2O + Energie électrique → 2 H2 + O2
Rendement 50 % à 60 %; c’est néanmoins vers cette méthode que se concentrent les recherches.
1kg d’hydrogène coûte 3 à 6 euros. Environ 5 % de la production totale.
On parle d’hydrogène vert si utilisation d’électricité renouvelable ou d’hydrogène jaune si utilisation d’électricité nucléaire.
1 l d’eau et 5kWh d’électricité produisent 1000 l d’H2 (conditions normales) qui contient 3kWh
1.4 Autres
Photo-électrolyse
Un photocatalyseur à semi-conducteur est immergé dans un milieu aqueux ; sous l’effet de la lumière il y a production d’hydrogène. Rendement énergétique : 10 %
Photo-biologie
Certaines cyanobactéries comme l’algue verte produisent de l’hydrogène sous certaines conditions. Rendement énergétique : 0,5 à 5 %.
2. Comment stocker et distribuer l’hydrogène
Aussi bien les centrales nucléaires que les ENR sont intéressées par toutes les possibilités de stockage d’énergie y compris sous forme d’hydrogène.
2.1 Etats de stockage
1kg d’H2 = 1 Nm3 en gaz, = 13,6 l en liquide, = 23,3 l en comprimé, = 33kWh d’énergie contenue
1 l essence = 12 kWh, 1 l butane liquide = 7,4 kWh, 1 l propane liquide = 6,6 kWh, 1 l Gpl liquide = 5kWh, 1 l H2 liquide = 2,4 kWh, 1 l H2 compressé (à 700 bars) = 1,4 kWh
- Gaz à température et pression ambiante (ancien) Trop de volume !
- Gaz comprimé (P=350 à 700 bars)
on perd 17 % d’énergie à 700 bars ; 1 l d’H2 comprimé (700 bars) pèse 43g et vaut 1,4 kWh
c’est le meilleur compromis actuel.
- Gaz liquide (T=-253°)
on perd 35 % d’énergie pour le liquéfier ; 1 l d’H2 liquide pèse 73,5g et vaut 2,4 kWh
compte tenu des pertes de production, on perd en fait 50 %
le stockage à -253° est problématique ; perte de 1 à 5 %/jour par évaporation.
50 % du réservoir évaporé en 15 jours ! Trop de pertes !!!
- Solide (hydrures)
l’H2 est stocké à basse pression sous forme d’hydrures métalliques. L’alliage Mg2FeH6 stocke 150g d’H2 par litre. Il faut que l’hydrure soit facilement réversible (absortion/libération H2) aux conditions presque normales (1 à 10 bar, 0 à 100°C). Mais le rapport hydrogène contenu par rapport au poids du réservoir hydrure est de 2 à 3 % seulement. Pour stoker 1 kg d’H2 il faut un réservoir de 33 à 50 kg ! Rendement énergétique de 95 %.
Nombreuses recherches en cours.
Documentation
2.2 Transport
Pour une même quantité d’énergie transportée, il faut 12/1,4 = 8,5 fois plus de volume pour H2 par rapport à l’essence. Là où il faut un camion pour ravitailler en essence, il en faut plus de 8 en H2 !
Cela signifie qu’il faut 8,5 fois plus d’énergie pour transporter le H2.
Si la perte d’énergie due au transport d’essence représente 2,5 % du contenu pour 500 kms parcourus, elle représente 2,5 x 8,5 = 21,5 % pour H2. Le transport de H2 est problématique !
Le recours à des gazoduc est possible mais cette infrastructure est un lourd investissement et une grave atteinte à l’environnement ! L’ utilisation de gazoduc existants est possible mais à faible pression et donc faible débit.
2.3 Distribution (de l’hydrogène comprimé)
- Si transport à basse/moyenne pression, les stations service doivent comprimer H2 à 700 bars. Encore des soucis d’infrastructure, de sécurité et des pertes conséquentes.
- Si production H2 par électrolyse dans chaque station. Alors, énorme infrastructure et énorme consommation d’électricité. Si une station produit 10.000 kg d’H2 par jour compressé à 700 bars, le rendement est de 50 % il faut une énergie fournie de : 33,3 kWh x 2 x 10.000 = 666 MWh.
En supposant que la station électrolyse et compresse 24h/24 on obtient une puissance de près de 28 MW. Il faut donc un réacteur nucléaire de 900 MW pour alimenter 32 stations ! La France comporte environ 11.000 stations service. Il faudrait donc près de 350 réacteurs de 900 MW rien que pour alimenter les stations service en H2 ! Irréaliste.
3. Comment utiliser l’hydrogène
3.1 Densité énergétique
Batterie : 0,2 kWh/kg, Diesel/Fioul : 1,1 kWh/l, Essence : 0,7kg = 1l = 9kWh, Pétrole : 12 kWh/kg, Méthane/CH4 : 15,4 kWh/kg, Hydrogène : 40 kWh/kg
3.2 Prix
1kg H2 = 1,5 à 6 € selon méthode de production pour 40 kWh soit un prix du MWh de 37,5 à 150€
3.3 Utilisations
Pétrochimie 35 % de la production totale, Production d’ammoniac/engrais 50 %, Production de méthanol (fusées) 14 %, Autres 1 %. Dans les autres on trouve les transports.
On peut utiliser H2 dans un moteur à explosion interne (MCI) avec un rendement de 25 % pour faire avancer le véhicule. Le MCI a un faible rendement mais ne coûte pas cher (moteur conventionnel).
On peut transformer H2 en électricité dans une pile à combustible (PAC) avec un rendement de 50 % pour faire avancer le véhicule. La PAC est plus rentable mais utilise du platine rare et cher ; du coup la PAC coûte environ 5000 € par kW de puissance.
3.4 Consommation d’une voiture moyenne MCI
Consommation
7 litres essence / 100 kms, soit 63 kWh, soit 2kg d’H2 / 100 kms = 23,3 l x2 = 46,6 l à 700 bars = 66kWh. Le rendement du MCI est de 25 %. Il reste donc 66/4 = 16,5 kWh fourni aux roues pour avancer. Les pertes de compression, transport, stockage sont estimés à 20 % (optimiste) ; donc il faut en fait produire 2,5 kg d’H2 nécessitant 2,5 x 33 kWh = 82 kWh électriques. Le rendement global est alors de 16,5 / 82 = 20 %
Autonomie ou comment parcourir 500 kms sans ravitailler
En essence, il faut un réservoir de 35 litres qui pèse environ 30 kg plein.
En H2, il faut un réservoir de 10kg d’H2 à 700 bars qui pèse environ 230 kg plein (*)
Soit un surpoids de 200kg pour H2. 10kg de H2 = 10 x 23,3 l = 233 l. Soit un survolume de 200 l pour H2
(*) 30g H2/litre (6,9 kg) et 22kg de réservoir/1kg de H2
La voiture à hydrogène est plus lourde, plus volumineuse et à faible rendement !
3.5 RecherchesVéhicule électrique hybride (Renault) à batteries + pile à combustible. Autonomie de 500 kms assurée par le réservoir d’hydrogène lequel serait rechargeable en 5 minutes.
Conclusion
Compte tenu que certains usages de l'hydrogène soient menacés (Engrais par exemple), l'industrie de l'hydrogène recherche de nouveaux débouchés tels les transports, mais cette piste est tortueuse !
Cette analyse des différents aspects induits par l'hydrogène dans les transports, montre clairement des goulots d’étranglement voire des culs de sacs !
L’hydrogène a peut être un avenir … mais il est incertain !