Vivre l’instant présent, aimer me souvenir
Des intenses désirs, des soudaines envies
Des élans, des regrets, qui ont peuplé ma vie
Encore faire des projets, construire un avenir.
Ma prime naissance a été difficile
Un gros bébé joufflu, si j’en crois ma mère
Parvenu non sans mal, ici sur la terre.
A Bully les mines ai élu domicile.
Dans une maison louée, j’ai grandi et appris
Les gestes, les rires, les pleurs nécessaires
Pour survivre ici bas, jeune volontaire
De la connaissance suis fortement épris.
Je vais à l’école réservée aux garçons
Car à cette époque, on ne mélange pas
Les petites filles avec les petits gars
Chacune ou chacun par genre nous séparons.
Le préadolescent que je suis devenu
Regarde les filles comme des êtres étranges
Avec leur voix aiguës, leurs blondes franges
Et cette élégance des gestes retenus.
J’aimerais leur parler, mais demeure muet
N’ayant point le culot d’interpeller celles
Que j’admire déjà comme les plus belles.
Elles me laissent pantois et la gorge nouée.
Ne pouvant dire un mot, un message j’écris
Pour la belle brune qui dans l’œil a tapé
Plus fort que le soleil et mes sens retournés.
Hélas le message ne sera pas compris !
Je quitterai bientôt les rues de ma ville
Pour partir en pension étudier longtemps
Oublier les filles, apprendre tout le temps
Pour devenir savant. Plus de vaudeville !
Nature rebelle, fort indiscipliné
Suis fréquemment collé et ne retourne pas
Au domicile urbain ! Des sorties marche au pas
Dans l’Armentiérois ! Est-ce ma destinée ?
Une jolie blonde dispense le français
Sa grâce et sa bonté m’encouragent à aimer ...
Enfin la matière qui permet d’enflammer
Les mots et les phrases et dans la vie danser.
Je progresse en français, suis plus calme et serein
Bientôt je passerais le baccalauréat
Bientôt je quitterais le technique internat
Dans la grande ville je ferais mon chemin.
Enfin la grande vie, la bringue chaque soir
Quelle est magnifique, la vie étudiante !
Retrouver des filles, de futures amantes
Tomber sous leur charme, l’amour comme un devoir !
Avec une brune, je danse enchâssé
Elle se serre contre moi, me suis dans la chambre
Où nous dansons plus fort; son corps fin se cambre
Pour mieux s’appesantir sur mon sexe embrassé.
Ensemble ce matin, reprenons nos ébats
Puis parlons longuement pour mieux nous connaître
Imaginons demain et par la fenêtre
Recevons ce soleil éclairant le débat.
Nous irons ensemble, dans diverses régions
Angleterre, Amsterdam, sur la côte d’azur,
Serons souvent heureux d’amour, d’eau et d’air pur,
Ces instants magiques que nous partagions.
Et puis tu es partie vers un autre destin
Ton départ ai pleuré, quelques jours et trois nuits
Et puis j’ai effacé et me suis reconstruit
Sans toi, sans ton odeur, devenu libertin.
Finies les études, désormais travailler !
Dans l’informatique ai trouvé un métier
Qui m’intéresse bien, qui me fait voyager
Et beaucoup de monde très souvent rencontrer.
Collègues et amis nous retrouvons le soir
Pour taper les cartes, des parties de tarot
Autour d’un bon whisky, au fin fond d’un bistrot
Qui durent, perdurent … Qui va gagner ? Espoir !
J’ai remarqué une belle, aux fines gambettes
Qui arpente les couloirs de l’établissement
Son regard pétille, c’est l’éblouissement
Il me faut la revoir, j’aime ses mirettes !
J’ai revu Françoise, d’abord au manège
Ensemble nous avons chevauché ... des chevaux
Je la félicitais, et lui disais bravo
Désirais la revoir, piège ou privilège ?
Et ce fut le début d'une histoire sans fin
D'un amour éperdu, de tendres chevauchées
D'une vie de couple, de plaisirs recherchés
De corps entrelacés, d'agréables câlins.
La famille s'élargit, les enfants grandissent
Le temps passe et cours, déménageons souvent
Pour un autre travail, pour demeurer vivants
Pour que nos rêves fous enfin aboutissent.
Une vietnamienne qui vient à Versailles
Cà ne s'invente pas, c'est pourtant très réel
Devenue mon amie, lien interculturel
Entre mon natal pays et d'autres ouailles.
Lors d'un déplacement, à la Souterraine
Seul client de l'hôtel, devenait confident
Du personnel cassant sur sa patronne les dents
Pourtant au dernier soir celle-ci fut reine.
Je revois encore cette tête de cheval
Et cette crinière par dessus la brume
Que le soleil naissant vivement allume
Un inoubliable spectacle matinal.
C'était à Toulouse, dans l'allée piétonne
Concert improvisé de filles jouant du cor
Mal mais avec entrain; j'en demandais encor
Enjoué je les suis, avec elles gueuletonne.
Je me souviens d'instants aussi bucoliques
D'une jeune fille d'un soir et d'une nuit
Tendre, émouvante, qui entrouvit son fruit
Au réveil étonnée de l'acte phallique.
Durant ma carrière j'ai formé des femmes
D'Hélène et Nathalie, je garde souvenir
D'elles de chaque coté voulant tout retenir
De mon enseignement pour elles sésame.
Suis allé à Tunis Uniface enseigner
Un soir ai rencontré dans un dancing proche
Sonia magnifique qui à moi s'accroche
Dans l'espoir de l'aider de son pays s'éloigner.
Dernier tour de piste, derniers enseignements
Désormais retraité, plus d'obligations
Plus de levers si tôt, plus de délégation
Que du temps libéré sans accompagnement.
Retour à la maison, celle qui nous convient
A ma petit' môme et moi ! Retrouvailles,
Plutôt difficiles, souvent ça tiraille
Mais nos habitudes et notre amour revient.
Me voici devenu membre municipal
Assidu aux missions de gestion commune
Motivé, engagé, faisant la une
Du canard communal local et principal
A la politique, je m'intéresse bien
Suis grandement déçu par les politiciens
Qui nous représentent ! Beaux parleurs, comédiens
D'abord intéressés par leurs biens, oh combien !
Je milite avec ceux qui pensent comme moi
Qui croient en un monde, plus uni, plus humain
Un monde d'êtres vivants, de chantants lendemains
D'heureux évènements, un monde de vifs émois
Je projette encor, j'imagine demain
Contre les noires infos, l'arc en ciel fugace
Contre les hommes requins, l'audace, la grâce
De la nature, Eden, retrouver le chemin.
Les gens fermés, aigris, y verront un rêve
Parleront d'utopie, de déni du réel
Braqués sur les chiffres, vision artificielle
De l'immense univers dont la vie relève.
Que serais-je sans espoir, sans volonté d'aimer,
Que serais-je sans rêver d'un avenir meilleur,
Que serais-je sans couleur, sans la moindre chaleur ?
Je ne serais plus rien qu'un truc inanimé !