Ce matin, sur France Inter, Augustin Trapenard avait invité Aurélien Barrau. En gros pour faire la publicité de son recueil de poèmes intitulé Météorites, en référence, sans doute à son savoir sur l’astrophysique.
Je m’attendais à être subjugué par cet orateur remarquable qui a fait de nombreuses conférences sur l’état du monde et la nécessité de lutter contre la destruction du vivant par l’homme.
Je fus très déçu par cet entretien matinal. Car Aurélien Barreau a critiqué la suffisance des hommes … en faisant lui-même preuve de beaucoup de suffisance !

Quel étrange mot de la langue française que suffisance !

Selon le Robert, ce mot signifie : 1) Qui a une trop haute idée de soi et donne son opinion, qui décide sans douter de rien.
Les synonymes trouvés sont : fatuité, orgueil, présomption, autosatisfaction et vanité. Ou encore, arrogant, fat, glorieux, prétentieux ou vaniteux mais aussi personnage avantageux, fier, pédant, satisfait de lui-même.
Ses contraires seraient bonhomie, familiarité et modestie.

Mais ce mot signifie aussi : 2) assez, qui suffit, honnête, honorable, satisfaisant. Les mots suffisant et suffisance ont donc un double sens, ce qui arrive souvent dans notre langue ; mais ici les deux sens sont quasiment opposés !

Quand j’écris cette chronique je crains de faire preuve de suffisance. Tous les hommes politiques ou presque font preuve de suffisance.
Apparemment, cette suffisance plaît aux gens qui écoutent les suffisants de tous genres. Depuis le prêcheur jusqu’à l’homme politique en passant par l’éditorialiste. Et le discours des suffisants est fréquemment relayé par divers médias dont les commentateurs sont eux mêmes suffisants.
Tout ce monde, cette intelligentzia, se suffit à elle même.

Et c’est bien dommage, car les propos et les réflexions, quoique suffisantes (au sens 1), sont parfois intéressantes et mériteraient d’être entendues et reçues cinq sur cinq par tous les gens. Il suffirait alors (au sens 2) que ces gens prolongent leur propre réflexion pour faire naître les bonnes actions nécessaires qui en découleraient.

Malheureusement, le suffisant utilise des mots choisis, fait référence à des connaissances intellectuelles peu communes afin de mieux montrer son savoir et son être. Du coup, son discours est inintelligible pour la plupart d’entre nous. Tout ce passe comme si, le discours du suffisant s’adressait à un auditoire lui même suffisant. Même si les idées exprimées peuvent être excellentes et de nature à changer notre modèle de société actuel, véritable tueur du vivant, celles-ci ne seront jamais mises en pratique ; elles resteront un beau verbiage ou encore un beau texte. Mais sans même un début d’action !

Remarquons d’ailleurs combien nombre d’hommes politiques nous font de belles promesses ! Notons aussi cette bizarrerie de la promesse du don mise en avant par l’émission Téléthon. Merci aux suffisants de m’avoir inspiré cette chronique suffisante.

La suffisance ne suffira jamais à apporter à chacun le suffisant.