L'incident de la centrale de Blayais

France2 a diffusé hier soir, une information plutôt objective sur l’incident grave survenu à la centrale du Blayais située à coté de l’estuaire de la Gironde sur la commune de Braud Sainte Louise dans la nuit du 27 décembre 1999.
Les causes relatées : une centrale construite trop basse et une digue de hauteur insuffisante. L’eau aurait donc envahi une partie de la centrale mettant hors d’usage certains éléments de sécurité comme les pompes. Le vent violent ayant abattu une ligne THT, les réacteurs 2 et 4 ont du être arrêtés. La crue de la Garonne a obstrué une prise d’eau et obligé à arrêter le réacteur 1.
Le Réacteur 3 était déjà arrêté pour cause de maintenance.

Historique des incidents et actions
27/12/1999 Réacteur 3 maintenu en arrêt à froid sur le système de refroidissement à l’arrêt.
Réacteurs 1, 2 et 4 en fonctionnement
27/12/1999 19h30 I1: Perte alimentation électrique 225 kV sur réacteurs 1, 2, 3 et 4. I2: Le coté Nord Ouest de la digue cède partiellement (*1)
Submersion plateforme de la centrale,
Galerie générale extérieure inondée, galeries techniques inondées,
Locaux de 8 pompes de secours inondés, (hauteur d’eau de 4 m !)
(4 pompes pour 1 réacteur, 2 pompes sur voie A et 2 pompes sur voie B)
Locaux des départs électriques inondés, (indisponibilité de tableaux électriques)
Réacteurs 1 et 2 affectés.
27/12/1999 20h00 Route d’accès impraticable (inondée, arbres abattus ?)
Equipe de la centrale isolée et bloquée sur place.
27/12/1999 20h50 I3: Perte alimentation électrique 400 kV sur réacteurs 2 et 4
I4: les îlotages (*2) des réacteurs 2 et 4 échouent

Donc arrêt automatique des réacteurs 2 et 4,
Démarrage des groupes électrogènes pour alimenter en électricité les pompes assurant le refroidissement des réacteurs 2 et 4
27/12/1999 23h00 Les pompiers dégagent la route d’accès. Arrivée de l’équipe de relève.
28/12/1999 23h20 Récupération alimentation électrique 400 kV sur réacteurs 2 et 4
Pompes de refroidissement alimentées par le réseau.
Arrêt des groupes électrogènes qui ont tourné 3h30 (*3)
28/12/1999 00h30 I5: Obstruction pompe refroidissement turbine par crue Garonne
Arrêt d’urgence réacteur 1
28/12/1999 03h00 Appel renforts de 80 agents EDF
28/12/1999 06h00 EDF déclenche son plan d’urgence national
28/12/1999 08h23 I6: Réacteur 1 perd 2 pompes de la voie A (moteurs noyés)
Le réacteur 1 n’est refroidi que par le générateur de vapeur (sur voie B) !
Selon l’Irsn on disposerait de 10h avant fusion du coeur, si défaillance de ce générateur.
L’alimentation en eau de secours des générateurs de vapeur qui évacue la puissance résiduelle du réacteur 1 fonctionne bien (2 motopompes et une turbopompe) ouf !
29/12/1999 soirée Assèchement des zones inondées
29/12/1999 Récupération source auxiliaire 225 kV par le réacteur 4
30/12/1999 Réacteur 4 couplé au réseau à puissance nominale
30/12/1999 Maintien réacteur 1 en arrêt normal sur les générateurs de vapeur
30/12/1999 1ère pompe secours voie A disponible
04/01/2000 Remise en état 2ème pompe secours voie A
Remise en état pompe injection basse pression et pompe aspersion enceinte
07/01/2000 Passage réacteurs 1 et 2 en arrêt pour rechargement (*4)

*1 La plateforme de la centrale est trop basse donc inondable. La hauteur de la digue construite était insuffisante. Elle devait être relevée de 0,5 m à la demande de l’Irsn. Edf a trop tardé à le faire et a frisé la catastrophe.
*2 Ilotage : consiste à isoler le réacteur du réseau électrique externe, tout en le maintenant en puissance. Il ne produit alors, par l'intermédiaire de son alternateur, que l'énergie électrique nécessaire à son fonctionnement dans un état sûr.
L’îlotage est une opération délicate : elle consiste à baisser la puissance du réacteur en gardant assez d’énergie pour que l’alternateur alimente encore en électricité les auxiliaires du réacteur, dont les pompes de refroidissement.
*3 Les groupes électrogènes ont tourné exceptionnellement longtemps (3h30) grâce à des cuves de fuel remplies par précaution vis à vis du bug informatique de l’an 2000 !
*4 Phase avant redémarrage à puissance nominale.


Analyse des incidents
La tempête est cause des incidents I1 (perte 225 kV) et I3 (perte 400 kV).
L’inondation et la crue sont causes des incidents I2, I5 et I6
La difficulté de l’îlotage crée l’incident I4

Le classement de l’incident du Blayais en niveau 2 semble bien optimiste vu qu’on a frôlé l’accident majeur (de niveau 7) grâce aux équipes sur place et à la chance.
Chance que les groupes électrogènes ont fonctionné longtemps pour refroidir les réacteurs 2 et 4 et que le générateur de vapeur a pu refroidir suffisamment le réacteur 1 !


Retour d’expérience
De nombreuses centrales sont au bord de l’eau et souvent sur des plateformes trop basses donc inondables. C’est le cas de : BELLEVILLE, CHINON, DAMPIERRE, GRAVELINES, LE BLAYAIS, SAINT-LAURENT mais aussi de FESSENHEIM (arrêtée) et de TRICASTIN.
D’autres centrales sont à bonne hauteur mais ont des locaux de sécurité néanmoins inondables comme : BUGEY, CRUAS, FLAMANVILLE, GOLFECH, NOGENT, PALUEL, PENLY et SAINT-ALBAN.
Il n’y a que les centrales de CHOOZ, CITEAUX et CATTENOM qui sont plus à l’abri.

Souhaitons que le programme de travail de IRSN tire bien tous les enseignements d’incidents concomittants dus aux inondations et aux tempêtes et qu’EDF mette en place rapidement les préconisations d’élévation du niveau de sécurité des centrales.

IRSN Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire

Edité le:03/11/2021