Avez vous remarqué que toutes les dernières inventions ont pour but de nous faire gagner du temps et d’aller toujours plus vite ?
Quelques exemples :
- Dans la mobilité : Le vélo électrique, la trottinette électrique, la densification du réseau urbain, le TGV, …
- Dans le travail et la communication : Les liaisons numériques de plus en plus rapides
- Dans le commerce et la logistique : Optimisation de tous les trajets, automatisation de l’acquisition des références, du tarif, des calculs de prix, ...
- Dans la santé : Elaboration très rapide d’un vaccin contre une nouvelle maladie, Téléconsultation des malades, réduction de la durée de séjour à l’hôpital, le « mon dossier santé » numérisé.
En général, du clampin au chef d’état en passant par les ministres et les parlementaires, chacun s’accorde à considérer que ces gains de temps et ces vitesses sont un progrès indéniable (*) !
Est-ce si sûr, je vous le demande ?
Pourquoi faudrait-il donc toujours aller plus vite ? A qui profite cette accélération ? Celle-ci n’est-elle pas énergivore et contraire à la sobriété recherchée dans la lutte contre le réchauffement climatique ? Celle-ci n’est elle pas néfaste à l’être humain ?
La trottinette électrique : Certes elle fait gagner du temps par rapport au marcheur. Mais elle a aussi de nombreux inconvénients bien évidemment cachés par la propagande.
- Quand il fait froid, l’usager immobile sur sa trottinette se caille. Pas très bon pour sa santé ! A l’inverse le piéton peut accélérer son allure non pas pour gagner quelques minutes mais surtout pour mieux se réchauffer !
- Le libre service d’utilisation de ces trottinettes exige une technologie numérique importante pour localiser la machine à tout moment, connaître le niveau de charge de la batterie, s’assurer que l’usager est bien connu et a réglé ou réglera son dû. Ces besoins s’appuient sur la géolocalisation par GPS, la télécommunication mobile par GSM, 4G, 5G, …, la carte bancaire et le smartphone, les stations de recharge et ou remplacement des batteries, des camionnettes de transport des trottinettes, etc … Une infrastructure énorme pour gagner bien peu de temps sur le dernier kilomètre de déplacement.
Est-ce bien raisonnable en termes de sobriété énergétique ? Remarquons également que l’usager de la trottinette est suivi, tracé en permanence par cette technologie. Où est notre réelle liberté de mouvement dans ce cas ?
Mon dossier santé : Ce dossier électronique est censé regrouper toutes nos informations médicales personnelles dans notre intérêt. En effet, en cas d’admission dans un service d’urgence, l’urgentiste récupère alors l’ensemble des informations lui permettant d’agir au mieux pour la préservation de notre vie ou encore pour savoir si nous avons une réelle chance de survie et donc de décider de nous soigner immédiatement, à moyen terme ou de nous mettre en soins palliatifs.
Certes, le dossier santé personnel fait gagner du temps à l’urgentiste et même de l’argent à la Sécurité Sociale puisque de nombreux examens de contrôle de paramètres médicaux ne sont plus à faire.
Mais comment être absolument sûr que ces données personnelles et souvent confidentielles ne seront jamais divulguées à des entreprises ou institutions pouvant en faire un usage contraire à nos intérêts ?
Toujours dans l’esprit d’accélérer les choses, l’état instigateur du dossier santé a décidé que ce dossier serait créé par défaut sans le consentement de l’usager ! Une décision qui montre le peu de considération de la machine administrative pour l’être citoyen.
Généralisation : En creusant un peu, nous pourrions trouver bien d’autres exemples qui montrent que les gains de temps obtenus par le progrès des technologies ne sont pas un bien pour l’individu vu qu’elles restreignent toujours plus nos libertés. Un certain Illich a montré, il y a près de 50 ans que globalement, le gain de temps obtenu par la vitesse était très discutable.
C’est pourquoi, je veux faire ici l’éloge de la lenteur.
J’habite une ville de plus de 30.000 habitants. On y trouve une gare SNCF et un réseau de bus reliant les zones pavillonnaires et les entreprises à cette gare. On y trouve aussi des trottinettes électriques. Chaque habitant peut donc se déplacer assez rapidement, du moins aux heures de pointe.
Personnellement, je n’utilise que très peu ces moyens de déplacement dans la ville. Je préfère me déplacer à pied pour aller à la gare la plus proche, faire mes courses, aller au cinéma local ou au cinéma multi-salles, … Il faut dire que les chemins piétonniers sont larges et confortables à l’exception de quelques rares passages sur trottoirs étroits.
La marche est excellente pour notre santé physique. Elle est meilleure encore pour notre santé morale et intellectuelle : la respiration et le temps libre laissé à notre cerveau stimule notre pensée. Combien de fois n’ai-je trouvé la solution à un problème, en marchant !
Sur la route, on rencontre d’autres marcheurs ou des gens sur le seuil de leur porte. On peut alors entamer un brin de conversation, échanger quelques banalités, apprendre une nouvelle ou approfondir la communication. Je dois honnêtement avouer que ce type de conversation est assez rare dans ma ville en région parisienne ; les gens sont stressés et semblent toujours courir vers un autre part. Ils ne savent même plus prendre le temps de dire bonjour ! Dieu merci quand je retourne dans le Nord, le Pas de Calais ou dans la région angevine, je puis engager un brin de causette avec le passant croisé ou rejoint.
Quand je dois consulter mon médecin, je me rends à son cabinet ou à la maison médicale, à pied. Je refuserai toujours la télé-consultation. Celle-ci me lèserait doublement :
- d’abord, elle me priverait d’une petite ballade à pied,
- ensuite, elle m’interdirait d’avoir un vrai contact humain avec mon médecin.
Non seulement les liaisons informatiques rapides nous privent d’un exercice physique agréable et sain, mais elles déshumanisent l’acte médical.
Faire l’éloge de la lenteur c’est sans aucun doute faire l’éloge de l’humain, du vivant en opposition avec la machinerie et le numérique. Nous sommes des êtres vivants. Nous avons besoin d’être au contact du sol et des autres êtres vivants à commencer par nos semblables. Nous avons besoin de sentir par tous nos sens pour exister. Et pour bien sentir, il faut prendre le temps … La lenteur c’est trop bon !
(*) Les gens qui dirigent, décident, comptent vivent très souvent hors sol. Ils passent beaucoup de temps dans des cages en verre qu’on appelle autos, trains, avions ou encore bureau, open space, atelier … Ils sont en quelque sorte déconnectés du sol naturel, ils ne sont jamais à la masse terre ! Cette déconnexion est sans doute cause de leur démesure, de leur folie, de leur délire. Et c’est pourquoi ils se projettent toujours ailleurs intellectuellement.
Ils sont incapables, que dis-je, ils sont inaptes à vivre vraiment.