La viabilité de la filière nucléaire se joue autour du coût de la construction


Exposé de Jan-Horst Keppler Professeur en sciences économiques, Université Paris-Dauphine
Mes commentaires en italique.
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Dans cet exposé le Professeur dit que la question de la viabilité du nucléaire est fonction de trois facteurs très liés, à savoir le besoin, le coût, le financement. Mais il évacue trois autres facteurs qui sont la chaîne d'approvisionnement, les ressources naturelles et la formation du personnel.
Dommage d’ignorer au préalable ces trois points qui sont essentiels ; si l’approvisionnement en uranium est problématique, si les ressources en matériaux nécessaires à la construction et si le personnel disponible n’est pas assuré, la viabilité du projet nucléaire est fort compromise.

Concernant le besoin, le Professeur affirme que le monde aura besoin d'énormément d'électricité décarbonnée et programmable, considérant que les ENR et l'hydroélectricité ne sauraient couvrir ces besoins.
Miser sur l’énorme besoin d’électricité est contraire à la recherche de sobriété nécessaire pour une transition écologique réussie. Considérer que les ENR ne peuvent couvrir les besoins à cause de leur grande variabilité est un à priori et ce d’autant plus que la géothermie profonde, une ENR permettant le stockage et le pilotage est oubliée !

De même le Professeur dit qu'il est risqué de miser sur la chaleur.
Négliger la production de chaleur parce que les réseaux actuels sont peu développés est un second à priori ; en effet la consommation de chaleur (entreprises et particuliers) est très importante et utiliser des résistances ou mieux des pompes à chaleur électriques alors que les réacteurs nucléaires produisent deux à trois fois plus de chaleur que d’électricité semble un non sens, un gaspillage effréné ! Ici encore, la géothermie profonde est un excellent moyen de récupérer de la chaleur.

Le Professeur mise pourtant sur l'hydrogène produit grâce au nucléaire.
Reste que l’infrastructure nécessaire à l’utilisation massive de l’hydrogène est manquante ! Il faudrait équiper toutes les stations services, distribuer cet hydrogène par camions (7 fois plus de transports que pour l’essence à énergie égale), par gazoducs à rendre moins perméables à l’hydrogène, … Cet effort d’infrastructure semble encore plus important que celui des réseaux de chaleur.

Concernant le coût, le Professeur pense que le prix de l'uranium restera raisonnable car les réacteurs fonctionnent 7/7 jours et 24/24 heures.
Raisonnement très optimiste :
- Les réacteurs nucléaires sont arrêtés pour rechargement et mise en sécurité maximum.
- Les intempéries plus fortes et plus fréquentes dues au réchauffement climatique (tempêtes, sécheresses ou inondations) peuvent interrompre durablement l’exploitation.
- Le prix de l’uranium risque fort d’être le gros problème si tous les pays adoptent le tout nucléaire et le risque de refus d’accès à la ressource ne peut être omis, les principaux gisements étant au Kazakhstan, Canada, Australie, Namibie, Niger, Russie.
- Par ailleurs, la ressource facilement extraite est limitée à une cinquantaine d’années selon la consommation actuelle. Un doublement de celle-ci réduirait d’autant la disponibilité mettant en péril l’investissement réalisé.


Le Professeur admet que le risque financier est très important, que les entreprises privées ne prendront ce risque que couverts par l'Etat français !
Le coût du développement de l’électro-nucléaire est énorme. les risques de ratés dans ce développement le sont tout autant. Du coup, très peu de sociétés privées sont prêtes à prendre ce risque ! Une fois encore, c’est donc l’État qui devra prendre ce risque et s’endetter un maximum. Et ce sont donc les citoyens français qui vont supporter cette dette financière soit par la réduction des services publics, soit par l’impôt direct ou indirect !

Le Professeur termine:
Donc pour conclure : il faut
1. Privilégier la production d’électricité décarbonée ;
2. Se concentrer au plus haut niveau technique et politique sur l’efficacité de la construction des réacteurs, le raccourci des délais et la réduction de coûts ;
3. Débuter un débat sociétal franc et explicite sur l’allocation du risque financier de la construction des centrales nucléaires entre consommateurs et contribuables.
Ainsi, la viabilité de la filière nucléaire pourra être assurée pour réaliser les atouts de l’énergie nucléaire dans le cadre d’une transition énergétique permettant une décarbonation durable et efficace.
Les points 1 et 2 sont très contestables comme commenté plus haut. Le point 3 de débat social franc devrait-être le préalable sous réserve que toute la problématique soit diffusée sans aucune omission et sans à priori. Ce débat social franc devrait englober toutes les sources d’énergie possibles sans prioriser le nucléaire. Enfin ce débat ne devrait pas se limiter à la transition énergétique seule mais être élargi à la véritable transition écologique.

Edité le:29/03/2024